Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/441

Cette page n’a pas encore été corrigée

par une faveur particulière ces scélérats, qui ne prèchoient l’Évangile qu’après l’avoir déshonoré.

Mais, s’il est vrai que l’amour de la Patrie ait été, de tout temps, la source des plus grands crimes, parce que l’on a sacrifié à cette vertu particulière 5 des vertus plus générales, il n’est pas moins vrai que, lorsqu’elle est une fois bien rectifiée, elle est, capable d’honorer toute une nation.

C’est cette vertu qui, lorsqu’elle est moins outrée, donne aux histoires grecques et romaines cette 10 noblesse que les nôtres n’ont pas : elle y est le ressort continuel de toutes les actions, et on sent du plaisir à la trouver partout, cette vertu chère à tous ceux qui ont un cœur.

Quand je pense à la petitesse de nos motifs, à la i5 bassesse de nos moyens, à l’avarice avec laquelle nous recherchons de viles récompenses, à cette ambition si différente de l’amour de la gloire, on est étonné de la différence des spectacles, et il semble que, depuis que ces deux grands peuples ne sont ao plus, les hommes se sont raccourcis d’une coudée.

618* (1269. II, f° 125). — L’esprit du citoyen n’est pas de voir sa patrie dévorer toutes les patries. Ce désir de voir sa ville engloutir toutes les richesses des nations, de nourrir sans cesse ses yeux des « triomphes des capitaines et des haines des roix, tout cela ne fait point l’esprit du citoyen. L’esprit du citoyen est le désir de voir l’ordre dans l’État, de sentir de la joye dans la tranquillité publique, dans l’exacte administration de la justice, dans la sûreté