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dévotion, et, avec une vieille femme, livré au chagrin d’un vieux roi. Il avoit une qualité qui, chez les dévots, passe la dévotion même, qui est de se laisser tromper par eux. Dans les différents choix qu’il faisoit, il consultoit toujours son cœur avant son 5 esprit.

Régence.

M. le duc d’Orléans avoit toutes les qualités d’un bon gentilhomme.

Le cardinal Dubois étoit un vrai cuistre. Le Régent 10 étoit si las de lui qu’il l’auroit chassé s’il avoit vécu deux mois de plus. Mais pourquoi le fit-il ? C’est une question qu’on doit faire, parce qu’on n’en voit pas la réponse. C’étoit l’homme du Monde le plus timide. Les ministres d’Angleterre se divertissoient ô à se débiter de fausses nouvelles qui l’empêchoient de dormir, et lui disoient le lendemain que la nouvelle étoit fausse. M. le duc d’Orléans lui disoit quelquefois : « Abbé, vous ne me dites rien de ce pays. » Il alloit dicter une lettre à son secrétaire et 20 la portoit à M. le duc d’Orléans. On a trouvé à sa mort des paquets de trois semaines, qui n’avoient pas été ouverts, des lettres du Grand-Vizir, qui étoient là depuis un an. Il avoit attention à ce que les dépêches ne vinssent directement qu’à lui. Il se a5 servoit de gens obscurs, qui n’y pouvoient point aboutir. Quand M. le duc d’Orléans proposoit une chose, il se faisoit écrire par ces gens-là des difficultés, et, ensuite, il les faisoit cesser, de