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Castille, de Grenade, de Navarre, de Portugal, renfermoient leur ambition dans le continent de l’Espagne. Les États d’Italie étoient encore plus foibles, plus divisés, plus timides : les villes faisoient la guerre dans l’enceinte de leurs murailles, tantôt 5 le théâtre de la tyrannie, et tantôt, de la liberté. Le duc de Bretagne ne demandoit qu’à vieillir dans la paix ; il approchoit de cette imbécillité qui devoit finir sa vie. Le duc de Savoye étoit beau-frère du Roi, et, s’il avoit attenté contre nous, nous pou- io vions disposer du Milanez contre lui. Pour comble de bonheur, pendant que nous jouissions d’une paix qu’il sembloit que rien n’eût dû troubler, il n’y avoit presque aucun de nos voisins qui ne fût dans la crainte, dans la fureur ou dans la lassitude de la i5 guerre. Nos finances étoient en bon état ; nos troupes, nombreuses, aguerries, disciplinées, accoutumées à vaincre, et nous jouissions de la science d’une longue guerre. Les états des principaux seigneurs étoient presque tous entourés de la puis- 20 sance royale. La plupart des grands fiefs étoient réunis ; d’autres alloient se réunir. Les bornes de l’empire et de l’obéissance étoient assez connues ; les droits réciproques, assez bien établis. Ainsi il étoit facile au successeur de Charles VII d’allier la 25 justice avec la grandeur, de se faire redouter dans sa modération même, d’être, enfin, le prince de l’Europe le plus aimé de ses sujets et le plus respecté des étrangers.

Mais il ne vit dans le commencement de son 3o règne que le commencement de sa vengeance ; il