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Surtout, quand on fait réflexion qu’il n’employa pour soumettre tant de princes et tant de villes, aucune armée qui ne fût malheureuse ; qu’il ne se servit que de quelques mauvaises finesses ; et qu’il 5 ne caressoit jamais que de la même main dont il avoit frappé.

Il sembla n’être donné à son père que pour jeter de l’amertume sur ses victoires et corriger l’orgueil des prospérités. Il obtint la permission d’aller en

10 Dauphiné, sur lequel, par une espèce de prodige, on ignoroit les droits qu’il avoit.

Lorsqu’il parvint à la couronne, la France étoit dans un état où elle ne s’étoit point vue depuis les premiers roix carlovingiens. Les Anglois, nos enne

i5 mis éternels, avoient été chassés de nos provinces ; ils ne possédoient plus que Calais ; leurs divisions nous assuroient encore plus qu’elles ne nous vengeoient1. Délivrés de nos craintes nous avions presque perdu jusqu’à la haine. L’Allemagne ne

2o pouvoit se mêler de nos affaires que comme notre alliée ou comme ennemie de la Maison de Bourgogne. Les différents états de cette maison, gouvernés par des loix toutes différentes, dont ils étoient souverainement jaloux, ne laissoient guère

25 à leurs princes cette autorité au dedans qui fait entreprendre au dehors. Ainsi les ducs de Bourgogne étoient dans le respect, et tous les autres feudataires dans la crainte. Les roix d’Aragon, de

i. Tel fut le sort des deux monarchies que le malheur de l’une sembla être attaché au bonheur de l’autre : l’Angleterre fut agitée de troubles, dès que la France commença à respirer.