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Les Grands, qui n’avoient aucune idée de la politique, approuvoient des usages qui confisquoient les terres de leurs pareils, parce qu’ils exerçoient eux-mêmes les mêmes usages dans leurs terres.

Si les loix avoient été pour lors aussi sages que 5 celles du Corps germanique d’aujourd’hui, et qu’on eût joint à l’assemblée des Pairs, qui répond à celle des Électeurs, une assemblée de seigneurs et une assemblée des députés des villes, le gouvernement gothique auroit subsisté. io

Car, depuis même que la puissance des Roix se fut si fort agrandie, l’on vit, d’un côté, la simple association des villes mettre au désespoir , et

celle du Bien public mettre Louis XI au point qu’il fut prêt à quitter le royaume. i5

Il arriva une chose dans les commencements de cette race, qui augmenta un peu la puissance de nos roix : ce fut la folie des croisades. Chaque seigneur prit un dégoût pour sa patrie : d’un côté, l’espérance des conquêtes lointaines et des terres plus 20 étendues que celles de leurs fiefs ; de l’autre, l’espérance du salut acquis dans le chemin de la gloire : moyen bien plus séduisant que celui qui le fait acheter par le renoncement à soi-même.

Il arriva que Philippe, qui régnoit pour lors, ne a5 fut pas touché de ces idées. Il étoit amoureux de Bertrade, comtesse d’Anjou, et il étoit heureux dans ses amours. Les historiens parlent des charmes de cette princesse comme de ceux d’une Circé. Ainsi une passion déraisonnable fit faire à Philippe ce 3o qu’auroit pu lui suggérer une politique consommée.