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n’avoit que ses droits particuliers dans le comté de Paris et son duché de France, qui étoient une émanation de cette autorité générale que chaque seigneur avoit eue, à quelque changement près, 5 depuis le commencement de la Monarchie.

Hugues Capet, ayant la couronne, se trouva avoir un titre grand, mais sans pouvoir ; il étoit même incertain : il n’étoit pas assuré à sa race, mais seulement à sa personne. En quoi, sa condition étoit pire

10 que celle des autres seigneurs. Aussi l’histoire du commencement de cette race est-elle moins l’histoire du roi de France, que celle du comte de Paris. Les Roix furent humiliés à ce point qu’ils eurent, pendant plusieurs règnes, la honte de vaincre le

i5 seigneur de Dammartin, et le respect leur fut perdu jusque dans les villages.

La constitution (comme nous l’avons dit), sous cette race, étoit un ouvrage digne du hasard, qui l’avoit formé. C’étoit un corps monstrueux, qui,

20 dans un grand fief où personne n’obéissoit, renfermoit un nombre innombrable de petits états, dans lesquels l’obéissance étoit quelquefois sans bornes, et quelquefois à peine connue. Le bien public ne consistoit que dans l’exercice de certains

25 droits particuliers, que les uns prétendoient avoir sur les autres, et n’étoit fondé sur aucune vue générale.

Les assemblées de la Nation n’étoient que des conjurations et des prétextes continuels de vexation, tantôt pour dépouiller un seigneur, tantôt pour le

3o perdre : tout le monde cherchoit à s’opprimer ; personne à se secourir.