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que les autres hommes, distingués de leurs sujets dans les combats, dans les conseils ; hors de là, confondus avec eux.

Mais la plupart des gens ne connoissent que leur siècle : un Européen est choqué des mœurs simples 5 des temps héroïques, comme un Asiatique est choqué des mœurs des Européens.

590* (16o8. II, f° 46o v°). — On peut remarquer, dans les anciennes histoires, un certain goût des premiers hommes pour le merveilleux et un carac- 10 tère de singularité dans l’esprit des princes, qui leur faisoit toujours rechercher une espèce d’éternité dans leurs entreprises.

Si Ninus bâtit une ville, c’est pour faire un ouvrage qui n’eût pas eu de pareil jusqu’alors, et i5 qui n’en peut (sic) pas aussi avoir dans l’avenir.

Quand les roix d’Égypte élèvent leurs immenses pyramides, ils se font des difficultés, ils choisissent un terrain sabloneux, afin d’être contraints de faire venir des pierres d’Arabie, et que l’on puisse dire 20 que la pyramide n’a pas (sic) été mise là que par les Dieux.

Si Sémiramis va parcourir l’Asie, c’est pour faire des changements continuels dans la nature du terrain, aplanir les montagnes et en former d’autres ^5 dans des lieux pléniers, carrer des rochers de dixsept stades de haut, et faire une élévation avec les bagages de son armée, pour y monter.

Voilà comment les princes cherchoient toujours le merveilleux ; l’utile venoit en second. Si l’on faisoit