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trouvoient que des allégories et rapportoient tout à la morale et à la physique.

Les philosophes révoltés vouloient restreindre ce prodigieux nombre de Divinités, qui avoient passé 5 jusqu’aux noms abstraits des substances. Mais quelle grande différence y avoit-il entre eux, qui animoient toute la nature, et les théologiens, qui la divinisoient tout entière ?

586* (16o4. II, f° 458 v°). — Ce qui frappe le plus

10 chez les anciens auteurs, c’est que leurs épisodes se ressemblent presque toutes : c’est ou un prince qui a inventé quelque art ; un autre qui a consulté un oracle ; un autre qui va chercher sa fille, sa femme ou sa sœur qu’on lui a enlevée ; un dernier, enfin,

i5 qui a dompté quelque monstre : toujours les mêmes aventures, qui viennent sous des noms différents.

Le pays de Grèce, qui étoit le théâtre d’une bonne partie des anciennes histoires qui nous restent, s’étant partagé en un nombre infini de petites îles,

20 ceux qui, les premiers, le peuplèrent ne l’habitèrent pas en peuple. C’étoit des aventuriers qui passoient les mers et s’établissoient dans ces îles désertes. Chacun venoit avec son oracle (méthode sans doute asiatique) et choisissoit l’endroit qui lui convenoit.

25 Et, comme de pareils aventuriers n’amenoient guère de femmes, il falloit bien en enlever dans cette première vertu, dans ces siècles plus voisins de l’innocence ; ces héros prenoient ces femmes farouches comme on prend à présent des villes.

3o Les enlèvements étoient si communs en Grèce