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avez la foiblesse de vous en plaindre ? Si on n’a pas eu assez d’égards pour vous, on est impoli, et ce n’est pas vous qui l’êtes. Quand il seroit vrai qu’on auroit manqué d’estime, personne ne vous a obligé de vous mesurer au degré d’estime qu’une certaine 5 personne a pour vous. Vous pouvez très bien ne vous en pas tenir à la fixation. La plupart des mépris ne valent que des mépris. Les choses qui déshonorent ne font cet effet que parce quïl est établi qu’on ne peut pas les mépriser, et que n’en 10 point marquer son ressentiment, c’est en convenir. N’étendez donc point contre vous le chapitre du déshonneur, et tenez-vous en, avec exactitude, à ce qu’il prescrit.

Avez-vous une passion naissante ? Comparez bien i5 la suite du bonheur et la suite du malheur qui en peut naturellement résulter. Je ne parle point dans les vues de la Religion : il n’y auroit point à délibérer. Je parle dans les vues de cette vie. Mais, au moins, si vous avez à confier votre bonheur, à qui 20 le confiez-vous ? et n’est-ce pas le cas où l’amour de vous-même vous ordonne de bien choisir ? Il est très rarement vrai que le cœur ne soit fait que pour un seul, et qu’on soit fatalement destiné à un seul, et qu’un peu de raison ne puisse vous destiner à un 25 autre.

En traitant du bonheur, j’ai cru devoir prendre des idées communes, et me contenter de faire sentir ce que je sentois, et porter dans l’âme des autres la paix de mon âme. Il ne faut point beaucoup de phi- 3o losophie pour être heureux : il n’y a qu’à prendre