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des Compagnies de Commerce. — Pourrai-je, à l’exemple de Giannone, qui a fait VHisioire civile du Royaume de Naples, donner ici celle du royaume d’Alger? Cette histoire est si courte qu’elle ne 5 pourra guères ennuyer le lecteur. Il est vrai qu’elle est très peu variée. Quelques milliers de douzaines de coups de bâton donnés sous un règne plus que sous un autre y font toute la différence des événements. Il n’y a qu’un fait qui puisse être transmis

10 à la postérité.

Le dey Méhémet-Géry étoit un jeune homme. Il avoit un esclave chrétien qui l’entretenoit souvent des richesses et du commerce de quelques états d’Europe. Cela le frappa ; il s’indigna de voir qu’il

15 étoit maître absolu d’un grand pays, et qu’il n’avoit point d’argent. Il fit d’abord étrangler son premier ministre, qui lui avoit dit, en haussant les épaules, qu’il n’étoit pas plus pauvre que ses prédécesseurs, et qu’il ne pouvoit pas non plus être plus riche. ll

  • o choisit un nouveau visir, qui lui parla ainsi dans le divan:

« Tu m’as mis dans le ministère à la place d’un homme qui ne savoit faire ses affaires, ni les tiennes. Voilà deux nuits que je passe à former *5 un projet qui signalera à jamais ton règne. Il s’agit d’établir une banque à Alger, afin que tout l’argent du pays se trouve dans un dépôt public. Toute la difficulté consiste à engager les marchands à l’y porter: car ce sont des coquins, qu’ils (sic) ont 3° toujours peur qu’on ne leur fasse quelque insulte ; de mauvais sujets, qui n’oublient rien pour te priver