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comme les particuliers, qui ont du crédit en raison composée de leurs richesses, de leur conduite et des préjugés de leur condition.

Un monarque qui ne s’est pas rendu indigne du crédit public en a, pourvu qu’il puisse connoître 5 qu’il en a, et qu’il ne pense pas que ses traitants puissent lui en donner.

Les biens d’un grand état sont si immenses, en comparaison de ceux d’un ou de quelques particuliers, que, lorsque ces deux crédits s’allient, celui 10 du particulier n’est plus rien. Si le Prince a du crédit, il en donne au particulier ; s’il n’en a pas, il fait perdre au particulier celui qu’il avoit.

Les traitants ne peuvent procurer de crédit au Prince que sur les mauvais marchés qu’ils lui font i5 faire. C’est l’argent qu’ils tirent des coffres du Prince qui a ce crédit, et cet argent, si on l’avoit gardé, l’auroit eu tout de même.

J’ai vu de grands seigneurs avoir souvent besoin du crédit d’un valet qui avoit mis 50 écus à cou- =o vert. Tel sera le Prince qui aura pour ressource ses traitants.

301* (1877. III, f° 115 v°). — Pour le livre XIII, chapitre xxi : Pratique dangereuse. — Lorsque le Prince commence par recevoir des traitants et leur 25 donne à reprendre sur ses sujets, il met à la porte de chacun d’eux un ennemi, qui se fortifie par les larmes, et que la misère semble encourager. Le préfet du prétoire, dit Ammien-Marcellin (livre XVII), ayant promis de suppléer à tout ce qui manqueroit 30