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MONTESQUIEU

montrent la vérité, dont ils ont besoin comme ceux qui sont dans la tempête ont besoin d’une étoile favorable qui les éclaire.

Aussi voyons-nous, dans Daniel, que Dieu, irrité contre son peuple, met au nombre des malheurs dont il veut l’affliger, que la vérité ne sera plus écoutée, qu’elle sera prosternée à terre, dans un état de mépris et d’humiliation : et prosternetur veritas in terra[1].

Pendant que les hommes de Dieu annonçaient à son peuple les arrêts du Ciel, mille faux prophètes s’élevaient contre eux. Le peuple, incertain de la route qu’il devait suivre, suspendu entre Dieu et Baal, ne savait de quel côté se déterminer. C’est en vain qu’il cherchait des signes éclatants, qui fixassent son incertitude. Ne savait-il pas que les magiciens de Pharaon, remplis de la force de leur art, avaient essayé la puissance de Moïse et l’avaient pour ainsi dire lassée ? À quel caractère pouvait-on donc reconnaître les ministres du vrai Dieu ? Le voici : c’est à la sincérité avec laquelle ils parlaient aux princes ; c’est à la liberté avec laquelle ils leur annonçaient les vérités les plus fâcheuses, et cherchaient à ramener des esprits séduits par des prêtres flatteurs et artificieux.

Les historiens de la Chine attribuent la longue durée et, si je l’ose dire, l’immortalité de cet empire, aux droits qu’ont tous ceux qui approchent du Prince, et surtout un principal officier nommé Kotaou, de l’avertir de ce qu’il peut y avoir d’irrégulier dans sa conduite. L’empereur Tkiou, qu’on

  1. Daniel, chap. VIII, v. 12