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MONTESQUIEU

fureur des rebelles ! « Après une telle lâcheté, dit-il, je ne puis plus estimer cet homme, qui, bien loin de s’exiler de sa patrie, comme il a fait, devoit mourir sur les murailles de Rome et s’ensevelir sous ses ruines. »

Cicéron, qui étudioit depuis longtemps les projets de César, auroit fait subir à cet ambitieux le destin de Catilina, si sa prudence eût été écoutée : « Si mes conseils avoient été suivis, dit cet orateur à Antoine, la République fleurir oit aujourd’hui, et tu serois dans le néant. Je fus d’avis qu’il ne falloit point continuer à César le gouvernement des Gaules au-delà des cinq ans. Je fus d’avis encore que, pendant qu’il seroit absent, l’on ne devoit point l’admettre à demander le consulat. Si j’avois été assez heureux pour persuader l’un ou l’autre, nous ne serions jamais tombés dans l’abîme où nous sommes aujourd’hui. Mais, lorsque je vis (continue-t-il) que Pompée avoit livré la République à César, quand je m’aperçus qu’il commençoit trop tard à sentir les maux que j’avois prévus depuis si longtemps, je ne cessai pour lors de parler d’accommodement, et je n’épargnai rien pour réunir les esprits. »

Pompée ayant abandonné l’Italie, Cicéron, qui, comme il le dit lui-même, savoit bien qui il devoit fuir, mais ignoroit qui il devoit suivre, y resta encore quelque temps. César s’aboucha avec lui et voulut l’obliger, par prières et par menaces, de se ranger de son parti. Mais ce républicain rejeta ses propositions avec autant de mépris que de fierté. Lorsque le parti de la liberté eut été détruit, il se