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DISCOURS SUR CICÉRON





Cicéron[1] est, de tous les anciens, celui qui a eu le plus de mérite personnel, et à qui j’aimerois mieux ressembler ; il n’y en a aucun qui ait soutenu de plus beaux et de plus grands caractères, qui ait plus aimé la gloire, qui s’en soit fait une plus solide, et qui y ait été par des routes moins battues.

La lecture de ses ouvrages n’élève pas moins le cœur que l’esprit : son éloquence est toute grande, toute majestueuse, toute héroïque. Il faut le voir triompher de Catilina ; il faut le voir s’élever contre Antoine ; il faut le voir enfin pleurer les déplorables restes d’une liberté mourante. Soit qu’il raconte ses actions, soit qu’il rapporte celles des grands hommes qui ont combattu pour la République, il s’enivre de sa gloire et de la leur. La hardiesse de ses expressions fait entrer dans la vivacité de ses sentiments. Je sens qu’il m’entraîne dans ses transports et m’enlève dans ses mouvements. Quels portraits que ceux qu’il fait

  1. J’ai fait ce discours dans ma jeunesse. Il pourra devenir bon, si je lui ôte l’air de panégyrique. Il faut, outre cela, donner un plus long détail des ouvrages de Cicéron, voir les lettres surtout, et entrer plus avant dans les causes de la ruine de la République et dans les caractères de César, de Pompée, d’Antoine.