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XXIII
HISTOIRE DES MANUSCRITS


n’ai point toujours estimé Montesquieu à sa juste valeur, et beaucoup de doutes et même de censures osoient se mêler à mon admiration pour son beau génie. Je croyois voir dans l'Esprit des Lois plus d’éclairs que de lumières. Mais, depuis la Révolution, j’ai découvert cette lumière, qui a su éclairer les vrais principes du gouvernement et marquer leurs justes différences. C’est lui et lui seul qui a décrit la vie des états, leur santé, leurs maladies et leurs remèdes, mieux qu’Hippocrate et Boërhaave n’ont décrit celles des individus. Enfin, Monsieur, je me suis pleinement convaincu, par mon propre exemple et par l’expérience inouïe du temps actuel, que l'Esprit des Lois est l’ouvrage dont on a le plus parlé, qu’on a le plus vanté et le plus censuré, et qu’on a le moins compris et le moins étudié. C’est au flambeau du temps qu’un tel ouvrage doit être lu, et Montesquieu lui-même a semblé l’avoir emprunté d’avance pour l’écrire.

» Excusez, Monsieur, un enthousiasme d’autant plus sincère qu’il a été fort tardif. J’ai attendu d’avoir soixante ans pour admirer Montesquieu, comme les jeunes admirent, c’est-à-dire avec passion. Jugez après cela. Monsieur, si la nouvelle que vous me donnez de la conservation de plusieurs de ses manuscrits m’est précieuse.

» J’ai beaucoup entendu parler des découvertes de Cook, dans un autre hémisphère. Mais je vous avoue que la découverte de quatre pages de Montesquieu, où je puis trouver une mine de pensées utiles et généreuses, m’intéresse et me touche plus