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MÉMOIRE SUR LES DETTES DE L’ÉTAT

avantageusement, puisque, avec cent millions, il pourroit supprimer pour deux cents millions de contrats.

Le peuple perdroit la moitié de son bien sans presque sentir la perte, qu’il attribueroit à la dureté des temps, non à celle du Ministère.

Il faudroit donc chercher quelqu’un qui pût retirer, à la place du Roi, les effets royaux et dégager ainsi les finances.

II me paroît que, si le Roi faisoit racheter au peuple les impôts les plus onéreux, et qu’il reçût en paiement des effets royaux, il leur (sic) feroit un bien inestimable.

Le Roi ne perdroit rien : s’il levoit moins, il paieroit moins, et cela reviendroit toujours au même, à l’égard de son revenu actuel. Mais, d’un autre côté, il y gagneroit infiniment ; parce que, dans une guerre, il auroit des ressources, au lieu qu’il n’en a point : lui étant impossible, dans la situation où les choses sont, d’établir jamais de nouveaux impôts.

Pour le peuple, il y trouveroit un avantage infini. Je suppose, par exemple, que les gabelles donnent au Roi dix millions tous les ans. On peut assurer que la levée de ces dix millions en coûte cinq au peuple. Il faut, outre cela, que le fermier y gagne au moins un million. Je ne compte pas le préjudice que le peuple souffre de ce qu’il ne sauroit [donner] du sel aux bestiaux pour empêcher la mortalité. Mais voilà, au moins seize millions que le Roi lève pour payer dix millions de rentes sur l’Hôtel-de-Ville ; car il n’en fait pas d’autre usage.