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MONTESQUIEU

Le monarque qui règne à présent à Sicyone est un jeune prince qui fait espérer à chaque Sicyonien des jours heureux. Il a une physionomie charmante, le meilleur naturel du monde. Il aime à voir faire le bien, à corriger le mal, et, enfin, la vérité lui fait plaisir.

Le Ciel a fait une grande chose lorsqu’il a placé un prince dans un si haut rang que tous les autres ont les yeux sur lui ; qu’il en est l’exemple et le modèle ; qu’il peut, pour ainsi dire, donner le ton à la nature humaine et la gouverner tout entière par ses mœurs, comme un autre gouverne ses sujets par ses loix.

Pour moi, j’espère que, comme les Dieux immortels se choisissent quelquefois des instruments pour être les fléaux des nations qu’ils veulent punir, ils auront fait naître celui-ci pour montrer leur amour pour les hommes ; qu’ils auront voulu le donner comme une récompense aux gens vertueux, et justifier ainsi leur providence.

Puisse-t-il donner à ses sujets, non seulement les richesses et l’abondance, mais encore ce repos de l’âme que l’on ne goûte que sous les bons princes, cette sûreté de son état et cette paix intérieure qui est toujours due à l’honneur et à la vertu.

Puissions-nous ne voir jamais ces règnes tristes, où l’innocence n’est pas plus tranquille que le crime, et où chacun, par un retour sur soi-même, souffre l’injustice faite à quelqu’un de ses concitoyens.

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