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MONTESQUIEU

d’égide, il rioit de l’impuissance de ce Dieu. Les traits qui venoient jusqu’à lui s’émoussoient et tomboient à terre. « Dieu téméraire, dit-il, je ne t’apaiserai point par des présents ; je ne t’irriterai point par ma colère. On ne te conjure que par les mépris. »

Un homme d’une naissance obscure fut reçu dans la maison d’Alcamène. Il en fut regardé, d’abord, avec mépris, et ensuite, sans avoir passé par la considération, il obtint la confiance. Fier d’avoir eu part à ses secrets, il fit des demandes téméraires et les obtint. Bientôt Alcamène, lassé du commandement, remit dans ses mains la souveraine puissance. L’ambition de ce favori de la Fortune croissoit par l’excès du bonheur. Mais une Déesse à qui il n’avoit jamais rendu qu’un culte profane lui envoya une maladie qui fit évanouir tous ses projets.

LETTRE QUATRIÈME

Le Roi qui a si longtemps régné à Sicyone avoit conquis les états d’un prince voisin, et ne lui avoit laissé que sa capitale. Il envoya Alcamène pour l’assiéger. Un secours arrive ; les Sicyoniens le laissent passer. Alcamène se retire, abandonne toutes les conquêtes. On auroit pu les conserver. Mais tout le monde défendit l’honneur d’Alcamène. On convint qu’il n’avoit pas manqué de résolution, et que ce n’étoit pas lui qui avoit manqué de conduite.

Dans les affaires malheureuses, un général est