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MONTESQUIEU

Aucun homme n’a mieux senti que lui le ridicule des personnes, et souvent n’a plus ignoré celui des choses.

Fait pour la société, il devoit être l’idole de sa nation, soit qu’il fût un homme privé, soit qu’il en fût le maître.

Au lieu de cette gêne qui régnoit à Sicyone, Alcandre a mis une certaine facilité dans le commandement et l’obéissance ; qui fait que, quelques inconvénients qu’on éprouve, on aime encore mieux lui obéir.

Les paroles qu’il a si admirablement dites sont toujours des reparties, comme s’il s’étoit refusé toutes les choses charmantes qui ne naissoient point de l’occasion, et qu’on ne l’obligeoit pas de dire.

Il se joue du travail des politiques : ses saillies sont ses principes ; ce qu’ils méditent, il le rencontre ; un instant lui donne tout ce qu’ils ont réfléchi.

Il a une indifférence pour les événements qui ne convient qu’à ceux que le Ciel n’a pas fait naître pour déterminer les événements.

Il a le cœur ferme et l’esprit timide ; mais cette timidité lui vient autant de la peine qu’il a à faire du mal que d’aucune foiblesse d’âme.

Il est heureux de vivre dans un siècle où l’obéissance prévient pour ainsi dire le commandement ; car, s’il eût régné dans des temps de trouble, la disposition de son esprit étoit telle qu’il n’auroit jamais assez osé, et qu’il auroit trop entrepris.

Ce n’est pas qu’il ne frappe quelquefois des coups hardis ; mais il faut beaucoup travailler pour lasser sa clémence. Pour lors, il étonne ceux qui l’ont