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RÉFLEXIONS SUR QUELQUES PRINCES

la société que ceux d’une haine et d’une fureur commune ; que les gens les plus foibles s’emparent du pouvoir pour mettre à leur tête les plus fourbes qui se présentent ; que toute extravagance est écoutée, et que l’hypocrisie prend la place des mœurs, des vertus et des loix[1].

La puissance du roi d’Espagne et les ménagements que les autres états avoient pour les hérétiques avoient fait penser aux moines qu’il importoit à la religion catholique que ce prince eût l’empire catholique ; ainsi ils lui étoient tous dévoués. Les papes, qui craignoient d’être subjugués si la puissance devenoit unique, n’étoient pas si catholiques que les moines, qui sont des enfants perdus, qui n’ont jamais dans la tête que deux ou trois principes de théologie, avec lesquels ils vont toujours en avant, sans avoir jamais deux craintes à la fois.

Les grandes qualités du duc de Guise achevoient de dégrader le Roi. Il n’y a guère d’exemple dans les histoires qu’un étranger ait été porté à la puissance par l’adoration des peuples ; celui-ci disposa de la haine des François contre les princes et les seigneurs François[2].

Le Roi, qui voulut faire voir qu’il étoit zélé pour as la religion catholique, souffrit que ses sujets fissent une ligue pour la conserver, et, comme si l’État

  1. [En marge : ] Voir si je ne pourrois pas mettre là l’enthousiasme.
  2. [En marge : ] Mettre ici que le Calvinisme étoit plus contraire aux rois que le Luthéranisme, lorsque l’un se vantoit d’être plus conforme à ce que Jésus-Christ avoit dit, l’autre, à ce que les Apôtres avoient fait.