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MONTESQUIEU

Protestants, et comme Protestant celui qui étoit disposé à répandre le sang des Catholiques.

Cependant, les progrès des Guises étoient si rapides que l’on sentoit déjà le besoin que l’on auroit du parti huguenot ; mais le moindre ménagement étoit une tache d’hérésie.

Le Roi n’empêcha point les États de déclarer qu’il falloit faire la guerre aux hérétiques ; mais, sitôt qu’ils l’eurent fait, cette résolution devint le sentiment unanime de la nation, et, le Roi ne faisant pas cette guerre, cela donna occasion de former une ligue et de recourir à une autre autorité qu’à celle des loix.

La foiblesse de la Cour fit d’abord croire que la religion étoit en danger. Cela fit que les peuples intimidés mirent leur confiance dans les Guises, et, de l’autre côté, la force des Guises augmenta la foiblesse de la Cour.

Dans les guerres civiles ordinaires, quelque reste du ton ancien peut subsister. Il peut arriver que l’ordre soit troublé, et non pas à tous égards anéanti[1]. Mais, lorsque l’opinion du péril de la religion met les armes à la main, pour lors tout est confondu ; tout le monde devient un personnage important : car chacun a un intérêt égal à la chose et est, pour ainsi dire, partie principale.

C’est pour lors que tous les esprits sont outrés ; que les intérêts de l’État sont sacrifiés au succès de l’idée de chacun ; qu’il ne reste plus de liens dans

  1. [Entre les lignes : ] On peut, avec les principes du gouvernement, combattre pour ou contre le gouvernement.