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RÉFLEXIONS SUR QUELQUES PRINCES

majesté royale après l’avoir fait monter jusqu’aux nues, abusant également du pouvoir pour l’outrer ou le dégrader sans mesure.

Il seroit difficile de dire si la reine-mère fit plus de mal aux Catholiques, aux Huguenots, au royaume ou aux rois, ses enfants.

Dans ses différentes régences, elle n’avoit employé que la finesse. Pleine de ces petits artifices que le cœur et l’esprit d’une femme produisent si aisément, elle avoit fait entrer dans le cabinet toutes les intrigues des ruelles, et les galanteries des filles de sa cour étoient les plus grands ressorts de sa politique.

Enfin, elle parvint à décrier la souveraineté même, en faisant regarder les paroles, les actions, les faveurs de nos rois, comme des pièges où il n’y avoit que les dupes qui se laissassent surprendre.

Quoiqu’elle eût une espèce de courage, elle ne songea qu’à abaisser celui du Roi : elle lui donna toujours de la méfiance et avilit son autorité pour qu’il la lui remît entre les mains.

Le Roi, dont les débauches étoient connues, avoit le foible de croire qu’il les rachèteroit par des pratiques extérieures ; mais sa dévotion étoit soupçonnée, à mesure qu’elle devenoit publique, et l’on jugeoit toujours de sa religion par ses mœurs.

Il s’étoit répandu dans la nation un certain esprit de zèle qui ne distinguoit plus le Catholique d’avec le Protestant par les pratiques religieuses. Car, si cela avoit été, quel prince auroit passé pour plus catholique que Henry III ? Mais on regardoit comme Catholique celui qui étoit prêt de verser le sang des