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MONTESQUIEU

sanglantes sur les débauches de la Cour, le Roi ne l’avoit pas épargnée sur ses galanteries, et ils trouvèrent, l’un et l’autre, mille occasions de se venger.

La duchesse de Montpensier, furieuse d’un secret révélé, forma elle-même Jacques Clément à son détestable parricide ; on a cru même qu’elle l’y engagea par ses faveurs.

Les favoris tenoient le Roi, pour ainsi dire, dans un sérail et ne vouloient le laisser échapper ni à sa mollesse, ni à leur ambition.

Ils lui faisoient mettre sans cesse de nouveaux impôts sur le peuple, dont ils se saisissoient d’abord ; et, comme ils n’étoient point liés à lui par l’honneur ni par le devoir, mais par les plaisirs, ils se soucioient peu de le rendre méprisable au peuple par ses vices ou odieux par ses prodigalités.

Lorsqu’un prince foule ses sujets, il faut, au moins, qu’il leur fasse envisager quelque utilité qui les séduise, et qu’il ne les afflige pas au point de leur faire voir qu’ils se sont privés de leur nécessaire pour ses voluptés. Ce qui détermina, à la fin, le peuple de Rome à abandonner Néron, c’est que, dans une famine, il apprit que trois vaisseaux d’Alexandrie étoient arrivés chargés de poussière pour les lutteurs.

Comme les favoris craignoient les affaires et regardoient l’argent destiné à la guerre ou au maintien de l’État comme une conquête faite sur eux, ils prenoient souvent, mal à propos, la voie des adoucissements et des pardons. Insolents dans le cours de leur fortune et timides dans le terme, ils consternoient la