Page:Montesquieu - Mélanges inédits, 1892.djvu/248

Cette page n’a pas encore été corrigée
182
MONTESQUIEU

n’avoient pas d’assez grandes qualités pour mériter d’être haïs.

La vie privée de Charles étoit admirable, et le censeur le plus austère n’auroit pu y rien trouver à reprendre. Henry avoit des vices qu’un particulier, qui en peut espérer le secret, ne sauroit avoir sans rougir.

Mais Charles étoit né avec une telle incapacité pour gouverner qu’il n’y en a point d’exemple dans les histoires, pas même dans celle de Henry III.

Il y a des imbécillités qui sont telles qu’une plus grande imbécillité vaudroit mieux.

Louis XIII en est un exemple : un degré de moins de foiblesse auroit rendu ce prince le jouet des événements, parce qu’il auroit gouverné par lui-même ; un degré de plus de foiblesse le rendit plus puissant que tous ses prédécesseurs, parce qu’il resta sous la main d’un ministre dont le puissant génie dévora l’Europe. Il est vrai qu’il n’obtint d’autre gloire que celle de cet empereur tartare qui conquit la Chine à six ans.

Henry III trouva la France depuis longtemps agitée par les guerres civiles. Charles les fit naître en Angleterre : il força, pour ainsi dire, les Anglois à lui disputer tout ; et, si quelques circonstances, qu’il ne devoit pas espérer, ne l’avoient pas mis en état de faire la guerre, on auroit vu une chose bien extraordinaire : un grand monarque abattu dans un moment, sans aucune conspiration contre sa personne, sans effusion de sang, sans combat, et par la seule puissance civile.