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RÉFLEXIONS SUR QUELQUES PRINCES
VI

Henry III, roi de France, et Charles Ier, roi d’Angleterre, étoient des princes foibles et superstitieux, toujours embarrassés dans des procédés personnels, pleins de préventions dans leurs haines et leurs amitiés, également prêts à tout entreprendre et à tout céder, toujours mal à propos hardis ou timides, ayant quelque soin de se faire aimer de leurs courtisans, aucun de se rendre agréables à leurs sujets.

Il y a des conjonctures où les plus petits génies peuvent gouverner assez bien ; il y en a d’autres où les plus grands esprits sont étonnés : l’art de régner est quelquefois l’art du monde le plus aisé, et quelquefois le plus difficile.

Dans la prospérité d’une monarchie, un prince peut être méprisé impunément ; car la force du gouvernement supplée à la foiblesse de celui qui gouverne. Mais, lorsque l’État est dans sa décadence, il n’y a que le respect pour la personne du prince qui puisse suppléer à la foiblesse des loix, et, pour lors, ses imperfections et ses vices sont les vraies plaies de l’État.

De la haine que l’on conçut pour la personne de Charles, on passa peu à peu au mépris. Au contraire, du mépris que l’on eut pour la personne de Henry, on passa insensiblement à la haine. Et cela est fort extraordinaire, car ces deux princes