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RÉFLEXIONS SUR QUELQUES PRINCES

méfiances, ni l’irrésolution ; et, s’il étoit prudent, il n’étoit pas moins sage.

Il se trouva dans de cruelles circonstances. Le mur de séparation entre les Catholiques et les Protestants n’étoit pas encore mis ; de façon que ceux-ci, parlant habilement le langage des premiers et ne demandant qu’un concile et la réformation de quelques abus, il sembloit que les intérêts de Rome seule divisassent les esprits.

Le Luthéranisme surtout étoit funeste, en ce que le peuple, qui voyoit à peu près le même extérieur, croyoit n’avoir presque pas changé et sentoit peu de chose de cette infinie distance qu’il y a d’une religion à l’autre ; de façon qu’un prince qui se donnoit le nom de Catholique ou un autre qui se donnoit celui de Protestant se faisoit d’abord suivre par ses sujets ; et, comme il y avoit des Protestants partout, on étoit à chaque instant sur le point de voir les princes modérés abandonner Rome pour le bien de la paix, et les princes avides, pour avoir les richesses de l’Église.

D’ailleurs Charles-Quint n’avoit de qualité bien connue qu’une grande ambition, et il étoit sûr que, pour protéger la religion, il attendroit toujours qu’il eût intérêt à le faire.

Mais les terres papales formoient de nouveaux embarras : car, si Charles soutenoit la puissance spirituelle, il étoit toujours prêt à envahir la temporelle.

Il falloit engager François Ier à défendre le Pape contre Charles, et Charles à défendre l’Église contre les Protestants. Enfin, on étoit forcé à chaque ins-