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MONTESQUIEU

de facile ; on trouve de l’affectation dans toutes les actions de l’autre.

Sixte-Quint prit plus de peine à paroître un grand homme qu’à l’être en effet, et se mit moins dans le monde que sur le théâtre du monde.

Pour corriger l’idée qu’on avoit de la bassesse de sa naissance, il voulut étonner à force de hauteur ; en quoi il a été plus comparable à Boniface VIII qu’à aucun de ses prédécesseurs. Et, comme si la Fortune, qui auroit pu tant faire pour lui en lui donnant beaucoup moins, n’avoit pas encore assez fait, il eut de l’ambition dans la première place de l’Église, et il osa montrer de l’orgueil devant les Espagnols.

Quoi qu’on ait pu dire de sa rigueur extrême, on peut l’excuser en ce qu’elle n’étoit jamais fondée que sur l’exacte justice. Du reste, il est le premier qui ait perdu la puissance temporelle des Papes, en ouvrant la porte aux emprunts : chose qui ne pouvoit être que fatale dans un gouvernement qui n’est pas successif, et qui, cependant, est monarchique.

Paul III, avec un esprit naturel, mais pénétrant, un génie plein de ressources, des idées justes, une grande connoissance des hommes, fut le restaurateur du pontificat, qu’il soutint, pour ainsi dire, à un fil. Il ne porta dans les affaires ni vanité, ni humeur, ni préjugé, ni prévention ; il tira parti de chaque événement, et ce qui pouvoit être pour lui le fut toujours.

Ce vieillard décrépit n’avoit pas même les défauts de son âge : ni la lenteur, ni la timidité, ni les