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MONTESQUIEU

Ils se ressemblent, en ce qu’ils cherchèrent de nouveaux ennemis à mesure qu’ils firent de nouvelles pertes ; qu’ils continuèrent d’entreprendre après une défaite tout comme après une victoire. La mort de la plupart des princes tués dans les combats est un effet du hasard ; la conduite de ceux-ci fut telle qu’une pareille mort devint pour eux une nécessité.

Quand on lit la vie de ces deux princes, on est plus touché des malheurs du duc de Bourgogne, La raison en est que celui-ci est un personnage original, et l’autre, une mauvaise copie d’Alexandre.

II

Tibère et Louis XI s’exilèrent de leur pays avant de parvenir à la suprême puissance. Ils furent tous deux braves dans les combats et timides dans la vie privée. Ils mirent leur gloire dans l’art de dissimuler. Ils établirent une puissance arbitraire. Ils passèrent leur vie dans le trouble et dans les remords, et la finirent dans le secret, le silence et la haine publique.

Mais, si l’on examine bien ces deux princes, on sentira d’abord combien l’un étoit supérieur à l’autre. Tibère cherchoit à gouverner les hommes ; Louis ne songeoit qu’à les tromper. Tibère ne laissa sortir ses vices qu’à mesure qu’il vit qu’il le pouvoit faire impunément ; l’autre ne fut jamais le maître des siens. Tibère sut paroître vertueux lorsqu’il fallut qu’il se montrât tel ; celui-ci se discrédita dès le premier jour de son règne.