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DE LA POLITIQUE

est l’effet d’une chaîne de causes infinies, qui se multiplient et se combinent de siècle en siècle. Dès que le ton est donné et reçu, c’est lui seul qui gouverne, et tout ce que les souverains, les magistrats, les peuples peuvent faire ou imaginer, soit qu’ils paroissent choquer ce ton, ou le suivre, s’y rapporte toujours, et il domine jusques à la totale destruction.

L’esprit d’obéissance est généralement répandu ici. De là, les princes sont plus dispensés d’être habiles. Cet esprit gouverne pour eux ; et, quelque chose qu’ils fassent de mal, d’équivoque, de bien, ils iront toujours au même but.

Ce ton étoit tel sous Charles Ier que, de quelque manière qu’il se conduisît, l’affoiblissement de sa puissance étoit assuré. Il n’y avoit point de prudence contre un enthousiasme pareil et une ivresse universelle.

Si ce roi n’avoit pas choqué ses sujets d’une manière, il les auroit choqués d’une autre. Il étoit destiné dans l’ordre des causes qu’il auroit tort.

Si un ton donné se perd et se détruit, c’est toujours par des voies singulières et qu’on ne peut pas prévoir. Elles dépendent de causes si éloignées que toute autre sembleroit devoir être aussi capable d’agir qu’elles, ou bien c’est un petit effet, caché sous une grande cause, qui produit d’autres grands effets, qui frappent tout le monde, pendant qu’elle garde celui-ci pour le faire fermenter quelquefois trois siècles après.

On peut aisément conclure de tout ce que nous venons de dire qu’une conduite simple et naturelle