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DE LA POLITIQUE

comme un aventurier, à tous les princes, et son alliance étoit méprisée toutes les fois qu’elle étoit offerte. Mais personne ne la négligea plus que le cardinal de Richelieu même ; jusqu’à ce qu’enfin le hasard, l’importunité, le désespoir, la lui firent accepter. Gustave descend en Allemagne avec quatre mille hommes, et toute l’Europe change de face.

Quelle politique auroit pu garantir Héraclius et les derniers rois des Perses des malheurs qui dévoient leur arriver ? Ces princes, que leur grandeur rendoit rivaux, ne songeoient qu’à se tromper et à prendre, l’un sur l’autre, quelques avantages. Mahomet, habitant d’une ville dont ces princes ignoroient peut-être le nom, s’avise de prêcher ; il rassemble quelques gens ; son système va bien, et, dans quatre ans de temps, ses successeurs détruisent toutes les armées d’Héraclius, renversent le trône des Perses, passent dans toutes les parties du monde et dévorent presque toute la terre.

J’avoue que je ne vois pas où mènent les princes ces raffinements que l’on vante tant, et, s’il faut des exemples, je ne sais quel parti ont tiré de leur esprit les quatre plus grands politiques de ces derniers temps : Louis XI, Sforce, Sixte-Quint, Philippe II.

Je vois Louis XI prêt à abandonner son royaume pour se réfugier en Italie ; je le vois prisonnier du duc de Bourgogne, contraint d’aller détruire lui-même ses alliés, manquer ensuite, par une faute à jamais irréparable, la succession de Bourgogne. Je vois le duc de Milan mourir dans une prison ; Sixte perdre l’Angleterre ; Philippe, les Pays-Bas : tous deux, par