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DE LA POLITIQUE

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Il est inutile d’attaquer directement la politique en faisant voir combien elle répugne à la morale, à la raison, à la justice. Ces sortes de discours persuadent tout le monde et ne touchent personne. La politique subsistera toujours pendant qu’il y aura des passions indépendantes du joug des loix.

Je crois qu’il vaut mieux prendre une voie détournée et chercher à en dégoûter un peu les grands par la considération du peu d’utilité qu’ils en retirent. Je la discréditerai encore en faisant voir que ceux qui ont acquis le plus de réputation par elle, ont abusé de l’esprit du peuple d’une manière grossière.

La plupart des effets arrivent par des voies si singulières, ou dépendent de causes si imperceptibles et si éloignées qu’on ne peut guère les prévoir[1].

On peut de plus poser pour maxime générale que toute révolution prévue n’arrivera jamais ; car, si un grand politique n’a pas affaire à des gens si habiles que lui, il n’a pas affaire non plus à de si grandes bêtes qu’elles voient les malheurs prêts à tomber sans les conjurer.

La vérité de ceci sera reconnue par tout le monde,

  1. Voir ce que j’ai mis sur les Romains.