Page:Montesquieu - Mélanges inédits, 1892.djvu/205

Cette page n’a pas encore été corrigée
139
ESSAI SUR LES CAUSES

-même ennuyeuse, soit que l’impétuosité convienne mieux à la nature de la passion.

Le grand cas que l’on a fait, chez les Espagnols, de l’honneur des dames, y a établi une chevalerie grave et respectueuse. Dans l’adoration où l’on est toujours pour elles, la gaieté que la familiarité produit leur a été interdite. De plus, comme le point d’honneur est entré dans toutes les conditions, chaque particulier de la nation voulant être honoré de tous les autres, la gravité a été universellement choisie ; d’autant mieux qu’elle est plus facile à acquérir que le mérite réel, et que le peuple peut plus aisément décider de la gravité d’un homme que de son esprit et de ses talents. Enfin, tant de petits officiers, envoyés dans toutes les parties du monde, où ils sont comme des mandarins chinois, ayant vécu dans le commandement, sont revenus en Espagne plus graves qu’ils n’en étoient partis[1].

Ainsi, indépendamment du climat, qui agit beaucoup à cet égard[2] sur les Espagnols, ils auroient pu se dresser à l’air flegmatique, comme nos François à la vivacité. Un Espagnol, né vif, pourroit arrêter le mouvement de sa machine, et un François lourd, exciter la sienne.

On sait qu’à Sparte l’on parloit très peu. Cela devoit être ainsi : d’un côté, le respect pour la vieillesse devoit tenir les jeunes gens dans le silence ; et la gravité y devoit tenir de même les vieillards.

Les causes morales forment plus le caractère gé-

  1. [En Marge : ] Ils étoient graves déjà autrefois.
  2. Voyez Strabon.