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ESSAI SUR LES CAUSES

troisième, les richesses amassées sans fraude ; le quatrième, la jeunesse qu’on passe avec des amis. » On n’y parle point de Fesprit, qui est l’attribut principal de nos temps modernes.

Nous venons de parler de l’éducation particulière, qui forme chaque caractère ; mais il y a encore une éducation générale, que Ton reçoit dans la société où l’on est ; car il y a, dans chaque nation, un caractère général, dont celui de chaque particulier se charge plus ou moins. Il est produit de deux manières : par les causes physiques qui dépendent du climat, dont je ne parlerai plus ; et par les causes morales, qui sont la combinaison des loix, de la religion, des mœurs et des manières, et cette espèce d’émanation de la façon de penser, de l’air et des sottises de la Cour et de la Capitale, qui se répandent au loin.

Les loix qui prescrivent l’ignorance aux Mahométans, les coutumes qui les empêchent de se communiquer, laissent leur esprit dans l’engourdissement. Les livres de Confucius, qui confondent un détail immense des cérémonies civiles avec les préceptes de la morale, faisant marcher d’un même pas les choses les plus puériles et les plus essentielles, affectent beaucoup l’esprit des Chinois. La logique de l’École modifie extrêmement l’esprit des nations qui s’y appliquent. La grande liberté de tout dire et de tout écrire qu’il y a en certains pays y fait une infinité d’esprits singuliers. L’extraordinaire dans le petit, qui fait le caractère du Talmud, comme l’extraordinaire dans le grand fait celui des Livres saints, a beaucoup étréci la tête des docteurs juifs.