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MONTESQUIEU

voulut ainsi consulter le Ciel, tomba dans une espèce de folie, qui ne le quitta plus.

Les hurlements étourdissent et donnent des mouvements irréguliers aux fibres. Les esprits se portent, sans ordre, de côté et d’autre. Toutes les traces se confondent : les unes s’impriment plus vivement, les autres s’effacent, et le trouble règne dans le cerveau.

La solitude ne produit pas des effets moins dangereux pour l’esprit que les jeûnes, les veilles et les cris. Le repos où elle laisse les fibres du cerveau fait qu’elles deviennent presque incapables de se mouvoir. On remarque que ces quiétistes indiens, qui passent leur vie à considérer le néant, deviennent de véritables bêtes. Il n’y a pas une partie de notre corps qui, si elle n’exerce ses fonctions, puisse les conserver. Les dents sur lesquelles on ne mâche pas se gâtent, et, si l’on ne se sert que d’un œil, l’autre se perd.

Je crois que, dans une matière aussi compliquée que celle-ci, il faut éviter d’entrer dans de trop grands détails. Huarte, auteur espagnol, qui a traité ce sujet avant moi, raconte que François Ier, rebuté des médecins chrétiens et de l’impuissance de leurs remèdes, envoya demander à Charles-Quint un médecin qui fût Juif. Le bonhomme cherche la raison pourquoi les Juifs ont l’esprit plus propre à la médecine que les Chrétiens, et il trouve que cela vient de la trop grande quantité de manne que les Israélites mangèrent dans le Désert.