Page:Montesquieu - Mélanges inédits, 1892.djvu/190

Cette page n’a pas encore été corrigée
124
MONTESQUIEU

ricier, que chaque partie réponde au tout, que ce tout soit un, et qu’il n’y ait aucune interruption dans la contexture.

Rien n’existe dans la nature qui ait une entière uniformité ; mais chaque chose en a plus ou moins, et ce plus ou moins d’uniformité dans chaque fibre met de grandes différences dans les mouvements.

On ne sauroit croire de combien de choses dépend l’état de notre esprit. Ce n’est pas la seule disposition du cerveau qui le modifie : toute la machine ensemble, presque toutes les parties de la machine y contribuent, et souvent celles qu’on ne soupçonneroit pas.

Il y a un certain genre d’hommes qui sont ordinairement tristes, colères, capricieux, foibles, vindicatifs, bizarres, timides : ce sont les eunuques. Soit que la semence rentre dans le sang, soit qu’elle ne s’en sépare pas, il est certain qu’ils deviennent différents des autres hommes. Ce défaut de séparation, qui est aussi dans les femmes, met une ressemblance au moins entre les corps. Par exemple, le tempérament des eunuques devient foible comme celui des femmes, et ils n’ont point de barbe, non plus qu’elles.

La continence perpétuelle peut mettre à peu près dans le cas des eunuques ceux qui, sans la permission de la Nature ou une vraie vocation d’En-haut, se sont livrés au célibat. Ils ont bien la propriété, mais séparée de l’usufruit, et cette propriété même peut contribuer à les désoler davantage. La liqueur se sépare dans les vésicules séminaires ; elle y séjourne trop longtemps ; elle les irrite, avertit l’âme d’envoyer des esprits, et l’âme n’ose obéir.