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ESSAI SUR LES CAUSES

involontaires. Pour lors, le cœur est remué, la plupart des parties intérieures le sont aussi, et l’émotion, qui sembloit ne devoir venir au cerveau que de l’oreille, y vient de presque toutes les parties du corps.

Mais, comme le sentiment de l’esprit est presque toujours un résultat de tous les différents mouvements qui sont produits dans les divers organes de notre corps, les hommes en qui la communication des mouvements est aisée peuvent avoir plus de délicatesse dans le sentiment, plus de finesse dans l’esprit, que ceux en qui elle est difficile.

L’âme est, dans notre corps, comme une araignée dans sa toile. Celle-ci ne peut se remuer sans ébranler quelqu’un des fils qui sont étendus au loin, et, de même, on ne peut remuer un de ces fils sans la mouvoir. On ne peut toucher un de ces fils qui (sic) n’en remue quelque autre, qui lui répond. Plus ces fils sont tendus, mieux l’araignée est avertie. S’il y en a quelques-uns de lâches, la communication sera moindre de ce fil à l’araignée ou de ce fil à un autre fil, et la providence de l’araignée sera presque suspendue dans sa toile même.

Comme ceux qui jouent de quelque instrument de musique ont soin d’y mettre des cordes qui n’aient aucun nœud, qui n’aient pas un endroit plus ou moins épais, plus ou moins serré que les autres, afin qu’il ne se fasse pas d’interruption, il faut de même, dans notre machine, pour la communication facile des mouvements, que toutes les parties nerveuses soient unies, lisses, qu’il n’y ait point d’endroit plus serré, plus sec, moins propre à recevoir le suc nour-