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ESSAI SUR LES CAUSES

Et, de ceci, on peut conclure deux choses : l’une, que le climat contribue infiniment à modifier l’esprit ; l’autre, que l’effet n’est pas prompt, et qu’il faut une longue suite de générations pour le produire [1] : car les Portugais, depuis la conquête, sont toujours à peu près comme ils étaient.

Les choses dont on se nourrit ont, dans chaque pays, une qualité analogue à la nature du terrain. On trouve du fer dans le miel ; il faut donc que les particules de ce métal s’insinuent dans les plantes et les fleurs d’où les abeilles le tirent. On en trouve dans le sang ; il faut donc que les plantes ou les animaux dont l’homme se nourrit se soient chargés de ces parties. On en peut dire de même des autres métaux et des autres minéraux[2]. Voilà les esprits et les caractères véritablement soumis à la différence des terroirs.

Si l’air de chaque pays agit sur les esprits, les vents, qui sont des transports d’air, ne les affectent pas moins. Il y a de cela, par toute la terre, des preuves bien remarquables. Les peuples qui bordent les Pyrénées en deçà sont bien différents de ceux qui les bordent au delà ; les peuples qui ont l’Apennin au nord sont bien différents de ceux qui l’ont au midi ; et ainsi du reste.

Les vents agissent, ou en transportant un air plus grossier ou plus subtil, plus sec ou plus humide que celui du climat où l’on est, ou plus chargé des parti-

  1. [En marge : ] Oter cela.
  2. Il en entra assez pour affecter les corps, mais pas assez pour leur nuire.