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ESSAI SUR LES CAUSES

On ne sait pas trop quelle disposition particulière du cerveau est requise pour la vivacité de l’esprit, mais on en peut conjecturer quelque chose. Par exemple, on sait que la vivacité des yeux est souvent un signe de celle de l’esprit. Or les peuples des pays froids ont rarement les yeux vifs. Comme ils ont dans le cerveau une humidité superflue, les nerfs qu’on appelle moteurs, perpétuellement baignés, se relâchent et sont incapables de produire dans les yeux les vibrations promptes et vives qui les rendent brillants. Or, comme je viens de dire que la vivacité de l’esprit et celle des yeux s’accompagnent ordinairement, il semble qu’il suive de là que l’humidité superflue qui est contraire à l’un soit presque aussi contraire à l’autre. Ainsi les anciens avoient bien rencontré, quoique sans savoir ce qu’ils disoient, lorsqu’ils regardoient l’esprit comme une sécheresse modérée du cerveau.

On a observé en Angleterre que les os d’un cheval de race, c’est-à-dire venu d’un étalon barbe et d’une jument angloise, pèsent, à grosseur égale, la moitié plus que ceux d’un cheval anglois ordinaire. Les os des premiers ont moins de moelle, et leurs fibres sont plus compactes, et leur tissu moins rare. Je voudrois faire la même expérience sur les os d’un Hollandois et d’un homme des Pyrénées. Si la différence se trouvoit telle, on pourroit penser que les fibres plus ou moins sèches, plus ou moins compactes, contribueroient à former la différence de leur caractère.

L’air, entrant dans nos poumons, fait enfler les vésicules sur lesquelles rampent les petits rameaux de