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INTRODUCTION

reste encore de lumière n’est que l’aurore du jour où ils se fermeront pour jamais[1] ».

» Je touche presque au moment où je dois commencer et finir, au moment qui dévoile et dérobe tout, au moment mêlé d’amertume et de joie, au moment où je perdrai jusqu’à mes faiblesses mêmes.

» Pourquoi m’occuperois-je encore de quelques écrits frivoles ? Je cherche l’immortalité, et elle est dans moi-même. Mon âme, agrandissez-vous, précipitez-vous dans l’immensité, rentrez dans le grand Être !

» Dans l’état déplorable où je me trouve, il ne m’a pas été possible de mettre à cet ouvrage la dernière main, et je l’aurois brûlé mille fois, si je n’avois pensé qu’il étoit beau de se rendre utile aux hommes, jusqu’aux derniers soupirs mêmes.

» Dieu immortel, le genre humain est votre plus digne ouvrage, l’aimer c’est vous aimer, et, en finissant ma vie, je vous consacre cet amour ! »

Quels étaient les écrits auxquels Montesquieu renonçait à mettre la dernière main ? Après avoir terminé ses études, il avait traité divers sujets de littérature, de science et de politique. Plus tard, il inséra, dans ses publications, quelques pages de ces premiers mémoires et composa peu à peu son œuvre capitale.

Quand il eut publié l’Esprit des Lois, il reprit les

  1. Ce paragraphe est reproduit, en ternies à peu près semblables, dans les Pensées déjà publiées de Montesquieu : « J’avais conçu le dessein de donner plus d’étendue et de profondeur à quelques endroits de mon Esprit ; j’en suis devenu incapable, etc… » — Voyez Œuvres complètes de Montesquieu (édition d’Éd. Laboulaye), tome VII, page 157 : Pensées diverses.