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ESSAI SUR LES CAUSES

sont les plus légers. D’ailleurs, il leur faut des nourritures délicates, parce que leurs fibres sont foibles, et leurs fibres deviennent foibles parce qu’ils prennent des nourritures délicates.

Les peuples des pays froids ont besoin, pour se soutenir, d’une nourriture grossière ; la dissipation qui se fait dans leurs solides demande de grandes réparations. D’ailleurs, leur nourriture doit être grossière parce que leurs fibres sont fortes, et leurs fibres sont fortes parce que leur nourriture est grossière.

Ceux qui avoient soin de former les athlètes et les jeunes gens qui s’exerçoient au palestre trouvoient que leur force dépendoit entièrement de la grossièreté de la nourriture qu’ils leur donnoient : c’étoit du cochon, assaisonné avec de l’aneth, et une sorte de pain fort pesant, pétri avec du fromage. S’ils leur donnoient une nourriture plus légère, en quelque quantité qu’ils la donnassent, ils voyoient diminuer d’abord la force de leurs élèves. Il falloit donc que la nourriture grossière épaissît leurs fibres et leur donnât une plus forte contexture. Lorsque l’épaississement et la dureté des fibres sont portées à un certain excès, le cerveau est dans un perpétuel engourdissement. Les fibres et les esprits ne sont pas capables de recevoir ce nombre infini de mouvements variés, subits, distincts, dont ils ont besoin. Les athlètes, dont nous avons parlé, sont une preuve de ceci [1] ;

  1. I. « Gorgus Messenius, dit Polybe, étoit bien éloigné de cette stupidité qui accompagne les athlètes. » (Excerpta ex Polybio, libro VIIe.)