Page:Montesquieu - Mélanges inédits, 1892.djvu/155

Cette page n’a pas encore été corrigée
89
CRITIQUE DE L'HISTOIRE VÉRITABLE

beauté considérable, je la supporterois au cas que l’une et l’autre fussent inséparables ; mais ici je ne vois que la potence : car je crois qu’il faut compter pour rien la réflexion du spectateur qui dit que le pendu a fait les choses de bonne grâce.

La seconde transmigration du métempsycosiste (cocu, et qui prend sa femme sur le fait) ne vaut pas la peine.

La troisième (maîtresse entretenue) est bien. Je l’étendrois un peu davantage, car ce morceau doit fournir. La suite des guerluchons y est à merveille, hors qu’à la place du mot laquais, qui est bas, je mettrois un mot générique.

La quatrième (homme d’affaires, impertinent et recherché, ruiné et méprisé) exprime une chose si commune, que, si elle n’est pas embellie par quelque détail, elle ne vaut pas la peine d’être conservée.

La cinquième (poète satirique) est bien. Je n’aimerois pourtant point cet habit usé : cela est bien trivial et bas. J’augmenterois encore un peu cette transmigration. Je dirai ici, en passant, et je crois que le même défaut est dans la suite, que les transmigrations y passent trop rapidement. Quand on ne choisit qu’un trait dans la vie d’un homme, il faut qu’il soit bien remarquable, et, s’il ne l’est pas, c’est une vie à négliger et dont il ne doit pas être question. J’observerai, en second lieu, que la fiction de la métempsycose engage nécessairement à placer dans les transmigrations quelque chose de singulier et de frappant ; car le lecteur, qui ne sait pas pourquoi on a imaginé un tour extraordinaire pour lui dire des choses communes, s’impatiente d’autant plus qu’il s’est attendu à davantage. Je sais bien qu’on ne peut exiger que tout l’ouvrage soit rempli de choses rares et singulières ; mais il faut que le commun n’y soit pas surabondant, et je ne puis m’empêcher de dire que, jusqu’ici, cela est de même, et qu’on retrouve trop souvent ce défaut dans la suite.

La sixième (courtisan), très bonne. La réflexion générale qui la termine, admirable.