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JEAN-JACQUES BEL
3.

La préface, qui est une espèce d’épître dédicatoire, n’a aucun rapport à l’ouvrage, et, par conséquent, il la faut retrancher. Tout ce qu’on y dit, ainsi que dans l’avis du libraire, a un tour de plaisanterie que je passerois si le fond n’en étoit pas frivole et inafférent. Je crois donc qu’il faut commencer par le commencement de l’ouvrage, et ne pas impatienter le lecteur, qui, voyant un titre qui lui annonce des choses singulières, est fâché d’être retardé.

4.

Le commencement du premier livre est bas, et cela se répand sur tout l’ouvrage parce qu’on part de là. La bassesse de cet endroit consiste en deux choses : — 1° Le lecteur n’aime pas à apprendre que celui qu’il va écouter est un grand fripon et un valet ; je donnerois donc une meilleure compagnie au lecteur, et je ferois d’abord, du métempsycosiste, un disciple de philosophe. — 2° Les idées et les images de ce valet sont basses et désagréables ; telles sont celles de cette vieille vache ridée, qui n’avoit plus de dents, de ces coups de fouet reçus dans les rues, de ces aumônes escroquées. L’anneau de fer de huit livres, attaché à la partie rebelle, est un peu trop grossier. — Les transmigrations y sont assez bien, mais surtout celles du bœuf et de l’éléphant y sont admirables ; et, en leur faveur, j’ennoblirois les précédentes autant qu’il me seroit possible.

Je dirai ici, sans tirer à conséquence, la manière dont je crois qu’il faudroit traiter ce premier livre pour y jeter plus de dignité et plus d’invention.

Je supposerois donc que le métempsycosiste est un disciple de philosophe, et, comme Pythagore passe pour l’inventeur du système de la transmigration, quoiqu’il l’ait pris ailleurs, je le ferois disciple de Pythagore même. Ce disciple, né avec le désir d’être vertueux, et, entendant