Page:Montesquieu - Mélanges inédits, 1892.djvu/148

Cette page n’a pas encore été corrigée
82
MONTESQUIEU

jusqu’à la révolution présente, que je me trouve à Tarente, un pauvre barbier. Je vous dirai seulement que cette transmigration-ci ne me plaît point du tout. J’ai une femme, qui se donne de grands airs, et qui a de l’impertinence pour une reine. Elle me fait sans cesse enrager ; elle m’a donné quatre enfants, dont il y en a plus de la moitié où je jurerois que je ne suis pour rien. Je suis si malheureux que, pour me dédommager de cette vie-ci, les Dieux, qui sont justes, ne peuvent guère s’empêcher de me faire bientôt naître roi de quelque pays. Si cela arrive, et que mon âme fasse fortune, je vous promets que j’aurai soin de vous, si vous êtes en vie, ou, au moins, de vos descendants. Aussi bien, est-ce là le seul moyen que j’aie de m’acquitter de l’argent que vous m’avez si généreusement prêté. Quoique je sois pauvre, Ayesda, je me pique d’être honnête homme, et vous pouvez compter sur moi dans l’occasion. »


________