La petite fille étoit une merveille de vertu, devant sa mère ; mais elle devint grosse à quinze ans. Si vous aviez vu le vacarme qu’ils lui firent, et combien de fois par jour ils lui reprochoient d’avoir déshonoré sa famille : « Ah ! les grands fripons ! disoit mon maître. Ils ne se seroient point souciés de l’action, s’il n’y avoit eu que nous qui l’eussions sue. »
» Pendant que j’étois parmi les Génies, il arriva un grand malheur à un petit incube de mes amis : il perdit son chapeau, et un homme le trouva. Cela mit la prospérité dans ses affaires, car le pauvre Dieu étoit obligé de le servir. C’étoit bien le plus malheureux petit Génie qu’il y eût. Son maître, qui jouoit depuis le matin jusqu’au soir, ne lui laissoit pas un moment de relâche : il lui falloit passer dans le cornet, y être ballotté, diriger les dés, les suivre sur la table, et encore, la plupart du temps, juroit-on contre lui. Il est vrai qu’il ne s’en mettoit point en peine : il connoissoit l’injustice générale des hommes, qui ne manquent pas d’attribuer à leur grande prudence tout le bien qui leur arrive, et tout le mal à la jalousie des êtres qui sont au-dessus d’eux.
» Je servis un Génie qui fut envoyé pour animer la statue de Pygmalion. J’entendis que quelqu’un disoit à ce sculpteur : « Il falloit que vous fussiez fou d’aimer une de vos statues. » — « Mon ami, répondit-il, tu es un poète, et ce n’est point à toi à me reprocher d’être amoureux de mes ouvrages : tu es enchanté des tiens ; mais Apollon ne leur a pas donné la force et la vie. »
» Je me souviens du jour que les Dieux signalèrent