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HISTOIRE VÉRITABLE

modeste sont toujours jugés à la rigueur, et l’impudence, qui est obligée de donner une amnistie à l’impudence, a la ressource de s’élever contre la timidité, qui est toujours désarmée. Sur ces entrefaites, un de mes parents mourut, et je recueillis une très riche succession. Je pris la résolution d’aller être honnête homme dans quelque autre société, et je fis ce métier-là quelque temps. C’est le sublime de la friponnerie de savoir faire entrer la probité dans son art.

» Je vous avoue, Ayesda, que, dans cette transmigration dont je vous parle, je chargeai un peu trop mon caractère. J’ai remarqué que, pour bien réussir dans le monde, il faut être seulement sot à demi et à demi fripon. L’on est par là assorti avec tous les hommes ; car on aboutit par quatre côtés aux sots, aux gens d’esprit, aux fripons et aux honnêtes gens.

» Dans ma vie suivante, j’avois une taille médiocre, des cheveux blonds, une figure mâle et de larges épaules. Je fus l’amant de cinq ou six vieilles femmes et d’autant de monstres plus jeunes. Dans les commencements de ma carrière, je la trouvai rude ; mais, par un prodige de l’habitude et une certaine force de mécanisme, je m’accoutumai à la vieillesse et à la laideur, et je parvins au point que la beauté même auroit fait sur moi moins d’impressions ; car l’idée d’une femme charmante ne réveilloit plus dans mon esprit que celle de l’indigence. Je ne me piquois point autrement de sentiments : on les admire, on les rend même, mais on ne les paye pas ; au lieu que je voulois qu’une femme vit toujours dans mes équipages, dans mes habits et dans ma façon de jouer,