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soyez sûrs que nous lui ferons repasser les monts à coups de sifflets. »

De Paris, le 4 de la lune de Chahban 1718.

LETTRE CXIII.

RHÉDI À USBEK.
À Paris.


Pendant le séjour que je fais en Europe, je lis les historiens anciens et modernes : je compare tous les temps ; j’ai du plaisir à les voir passer, pour ainsi dire, devant moi ; et j’arrête surtout mon esprit à ces grands changements qui ont rendu les âges si différents des âges, et la terre si peu semblable à elle-même.

Tu n’as peut-être pas fait attention à une chose qui cause tous les jours ma surprise. Comment le monde est-il si peu peuplé en comparaison de ce qu’il étoit autrefois ? Comment la nature a-t-elle pu perdre cette prodigieuse fécondité des premiers temps ? Seroit-elle déjà dans sa vieillesse, et tomberoit-elle de langueur ?

J’ai resté plus d’un an en Italie, où je n’ai vu que le débris de cette ancienne Italie, si fameuse autrefois. Quoique tout le monde habite les villes, elles sont entièrement désertes et dépeuplées : il semble qu’elles ne subsistent encore que pour marquer le lieu où étoient ces cités puissantes dont l’histoire a tant parlé.