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toujours avec eux la grâce de tous les criminels ; il suffit qu’un homme ait été assez heureux pour voir l’auguste visage de son prince, pour qu’il cesse d’être indigne de vivre. Ces monarques sont comme le soleil, qui porte partout la chaleur et la vie.

À Paris, le 8 de la lune de Rébiab 2, 1717.

LETTRE CIV.

USBEK AU MÊME.


Pour suivre l’idée de ma dernière lettre, voici à peu près ce que me disoit, l’autre jour, un Européen assez sensé :

Le plus mauvais parti que les princes d’Asie aient pu prendre, c’est de se cacher comme ils font. Ils veulent se rendre plus respectables : mais ils font respecter la royauté, et non pas le roi ; et attachent l’esprit des sujets à un certain trône, et non pas à une certaine personne.

Cette puissance invisible qui gouverne est toujours la même pour le peuple. Quoique dix rois, qu’il ne connaît que de nom, se soient égorgés l’un après l’autre, il ne sent aucune différence : c’est comme s’il avoit été gouverné successivement par des esprits.

Si le détestable parricide de notre grand roi