Page:Montesquieu - Lettres persanes II, 1873.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

punis-moi de tous les crimes que je n’ai pas pu empêcher.

Roxane, la superbe Roxane, ô ciel ! à qui se fier désormais ? Tu soupçonnais Zachi, et tu avois pour Roxane une sécurité entière ; mais sa vertu farouche étoit une cruelle imposture : c’étoit le voile de sa perfidie. Je l’ai surprise dans les bras d’un jeune homme, qui, dès qu’il s’est vu découvert, est venu sur moi. Il m’a donné deux coups de poignard ; les eunuques, accourus au bruit, l’ont entouré : il s’est défendu longtemps, en a blessé plusieurs ; il vouloit même rentrer dans la chambre, pour mourir, disoit-il, aux yeux de Roxane. Mais enfin, il a cédé au nombre, et il est tombé à nos pieds.

Je ne sais si j’attendrai, sublime Seigneur, tes ordres sévères : tu as mis ta vengeance en mes mains ; je ne dois pas la faire languir.

Du sérail d’Ispahan, le 8 de la lune de Rébiab 1, 1720.

LETTRE CLX.

SOLIM À USBEK.
À Paris.


J’ai pris mon parti : tous tes malheurs vont disparaître ; je vais punir.

Je sens déjà une joie secrète ; mon âme et la tienne vont s’apaiser : nous allons exterminer le crime, et l’innocence va pâlir.

Ô vous, qui semblez n’être faites que pour