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vous êtes, avec celui où je vous trouvai lorsque j’arrivai ici ; je vous vois le plus riche peuple de la terre : mais, pour achever votre fortune, souffrez que je vous ôte la moitié de vos biens. À ces mots, d’une aile légère, le fils d’Eole disparut, et laissa ses auditeurs dans une consternation inexprimable ; ce qui fit qu’il revint le lendemain, et parla ainsi : Je m’aperçus hier que mon discours vous déplut extrêmement. Eh bien ! prenez que je ne vous aie rien dit. Il n’y a qu’à prendre d’autres expédients pour arriver au but que je me suis proposé. Assemblons nos richesses dans un même endroit ; nous le pouvons facilement, car elles ne tiennent pas un gros volume. Aussitôt il en disparut les trois quarts. »

De Paris, le 9 de la lune de Chahban 1720.

LETTRE CXLIII.

RICA À NATHANAEL LÉVI, MÉDECIN JUIF.
À Livourne.


Tu me demandes ce que je pense de la vertu des amulettes, et de la puissance des talismans. Pourquoi t’adresses-tu à moi ? Tu es juif, et je suis mahométan : c’est-à-dire que nous sommes tous deux bien crédules.

Je porte toujours sur moi plus de deux mille passages du saint Alcoran ; j’attache à mes bras