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concerne, les choses pures d’avec celles qui ne le sont pas.

Mais cela même, sacré mollak, ne renverseroit-il pas les distinctions établies par notre divin prophète, et les points fondamentaux de la loi qui a été écrite de la main des anges ?

D’Erzeron, le 20 de la lune de Gemmadi 2, 1711.


LETTRE XVIII.

MÉHÉMET ALI, SERVITEUR DES PROPHÈTES, À USBEK.


Vous nous faites toujours des questions qu’on a faites mille fois à notre saint Prophète. Que ne lisez-vous les traditions des docteurs ? que n’allez-vous à cette source pure de toute intelligence ? vous trouveriez tous vos doutes résolus.

Malheureux, qui, toujours embarrassés des choses de la terre, n’avez jamais regardé d’un œil fixe celles du ciel, et qui révérez la condition des mollaks, sans oser ni l’embrasser ni la suivre !

Profanes, qui n’entrez jamais dans les secrets de l’Éternel, vos lumières ressemblent aux ténèbres de l’abîme, et les raisonnements de votre esprit sont comme la poussière que vos pieds font élever lorsque le soleil est dans son midi, dans le mois ardent de Chahban.

Aussi le zénith de votre esprit ne va pas au nadir de celui du moindre des immaums[1]. Votre

  1. Ce mot est plus en usage chez les Turcs que chez les Persans.